Plateformes de télémédecine, appareils biomédicaux connectés, dossiers patients informatisés, partage des résultats d'imagerie et de biologie… Les établissements de santé ont à gérer des systèmes d'information de plus en plus complexes, et un volume grandissant de données de santé dont l'hébergement peut être externalisé.
Le rapport définitif de la mission Hubert/Martineau sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) publié en mars dernier s'est positionné en faveur de cette externalisation dans le cadre de la rédaction du décret d'application de la loi santé relatif aux GHT, rappelle-t-on (voir dépêche TICsanté du 18 mars 2016).
Mais du côté des prestataires de services agréés "hébergeurs de données de santé" (HDS), la dynamique peine à se faire sentir. "Après avoir obtenu notre agrément, il y a eu une déferlante d'intérêts et d'interrogations de la part des établissements de santé, mais très peu de contrats signés", a expliqué à TICsanté Fabrice Coquio, président d'Interxion France, société qui gère 42 data centers en Europe.
Il assure avoir signé "une vingtaine" de contrats sur la base de son agrément HDS, essentiellement avec des nouveaux entrants sur le marché de la santé connectée ou des intégrateurs informatiques qui se positionnent sur ce marché.
"Le secteur hospitalier n'en est qu'au début du voyage vers la numérisation de son activité", a-t-il estimé, faisant un parallèle avec les technologies du Cloud "dont tout le monde a parlé très vite, mais qui ont mis du temps à se mettre en place".
Fabrice Coquio explique cette inertie par la contrainte budgétaire qui pèse sur les établissements de santé. "La plupart du temps les équipes informatiques des hôpitaux sont obligées de tout faire avec trois bouts de ficelles car elles n'ont pas les finances nécessaires. Dans certaines salles informatiques de grand hôpitaux parisiens, on est encore à l'âge de pierre", a-t-il constaté.
Il a fait part d'un "plafond de verre épais" auquel font face les établissements. "Il y a des sauts technologiques importants à faire mais aussi des sauts en termes de compétences disponibles. Aujourd'hui la plupart des acteurs du système public de santé français ne sont ni mûrs ni prêts", a-t-il déploré.
A peine plus optimiste, Denis Correia, directeur du marché e-santé chez Grita, filiale du groupe Claranet, estime que les acteurs de la santé sont "au milieu du gué" concernant leur transformation numérique et la gestion de leurs données.
"Beaucoup de réflexions ont été lancées, nous sommes beaucoup interrogés, mais il y a peu de prises de décision. Nous nous attendons à voir les choses beaucoup bouger dans les deux prochaines années", a-t-il confié.
Dynamique à plusieurs vitesses
Opérateur d'infogérance et fournisseur de plateformes, de serveurs et d'infrastructures dans les data centers, Grita a été le premier prestataire à externaliser en 2010 l'hébergement et l'administration des serveurs d'un établissement de santé.
Il s'agissait du centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) qui a été poussé à envisager cette option en 2009 du fait du non-respect des normes contre les inondations et les coupures électriques dans ses salles informatiques.
"Du fait de cette externalisation, les équipes de la direction des systèmes d'information du CHIC peuvent se concentrer sur la gestion de projets en interne pour leurs utilisateurs. Ils contribuent davantage à l'évolution de leur système d'information", a-t-il témoigné.
Mais cet exemple reste isolé. Parmi les quelques 70 clients de Grita, Denis Correia compte peu d'établissements de santé.
"L'évolution que l'on constate reste en périphérie de ce que mettent en place les hôpitaux. Les sollicitations les plus importantes aujourd'hui viennent des éditeurs de logiciels médicaux qui passent en mode Saas [Software as a service] et des start-up innovantes qui veulent proposer des services de santé dans le Cloud", a-t-il noté, relevant aussi la présence de plus en plus forte du monde de l'assurance et des mutuelles.
Denis Correia souligne le caractère logique de cette dynamique à plusieurs vitesses: "Lorsqu'on décide d'externaliser un système d'information hospitalier, c'est beaucoup plus impactant au niveau organisationnel et cela nécessite forcément plus de temps pour trouver un accord entre la direction et le personnel".
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Source : TICsante.com