L’usage de la combinaison podomètre/smartphone est en train de devenir un véritable phénomène de société. D’abord utilisée par les sportifs pour optimiser leurs séances d’entrainement, elle intéresse maintenant le grand public, sensibilisé aux méfaits de la sédentarité.
Je voudrais alimenter votre réflexion par quelques éléments qui mériteraient d’être mieux connus…
Concernant les personnes âgées, un des facteurs prédisant le mieux l’espérance de vie est la vitesse de la marche [Gait speed] dès 2011 une étude a démontré cette corrélation.
Plus fort : en 2016 une équipe française a même montré que le déclin de la vitesse de la marche pouvait permettre de prédire une démence sept ans avant l’apparition des premiers troubles cognitifs.
Dans la population générale, la question est plus complexe, l’étude de Copenhague comparant des joggers a des non joggers indique que la mortalité en fonction de la dose de jogging suit une courbe en U : les sédentaires ont un risque plus élevé, mais paradoxalement aussi ceux qui pratiquent le jogging trop intensivement!
Deux questions me viennent à l’esprit :
- Dans quelle mesure peut-on extrapoler les résultats démontrés sur des personnes âgées aux autres adultes et réciproquement ?
- Est-ce qu’un entrainement à la marche rapide est susceptible d’avoir un effet sur l’espérance de vie ?
Les réponses à ces questions ne sont pas anodines pour la santé publique, mais surtout un entrepreneur pourrait gagner beaucoup d’argent en tirant profit de ces données : illustration par un cas pratique d’usage totalement imaginaire.
Une compagnie d’assurance vend des conventions obsèques sans questionnaire de santé. Si l’assuré meurt, un petit capital sera versé à ses proches pour payer les frais d’obsèques.
La compagnie d’assurance réalise un bénéfice quand son client a cotisé suffisamment pour que le montant des primes dépasse le capital versé en cas de décès. Il ne faut pas que l’assuré meure trop rapidement !
Comment sélectionner les clients rentables ? Nous pouvons proposer une piste : les clients rentables sont ceux qui marchent le plus vite. Statistiquement ils vivront plus vieux et par conséquent ils cotiseront plus longtemps avant leur décès !
Imaginons que la compagnie d’assurance passe un accord avec un fabriquant de bracelets connectés et planifie un mailing avec une offre promotionnelle adressée uniquement aux clients marcheurs rapide du fabriquant de bracelets. Elle sélectionne de bons risques et laisse à ses concurrents les mauvais risques, les assurés qui marchent lentement. A ma connaissance, cette sélection de risque à travers une publicité bien ciblée n’est pas interdite par le code des assurances…
Le nec plus ultra, c’est d’avoir accès, sur une large population, à des données de comportement et aux données d’activités pour pouvoir mesurer les paramètres de l’équation qui prédit la durée de survie. C’est une des controverses du moment.
Et vous-même, individu isolé face à cet écosystème mêlant startups et multinationales ?
Vous avez compris que vos données personnelles de santé peuvent valoir de l’or, et que leur divulgation pourrait vous causer un tort. Comment protéger ces données ? En étant extrêmement vigilant.
Si vous utilisez un bracelet d’activité, vérifiez ou sont hébergées vos données d’activités, si c’est aux USA, votre fournisseur à un large droit d’utiliser vos données personnelles sans que vous puissiez vous y opposer.
La CNIL vient d’ailleurs de s’inquiéter de cette question.
Et si vous imaginez vous protéger en vous dissimulant derrière un pseudonyme, songez que votre smartphone vous géo-localise, l’appli associée au bracelet peut collecter à la fois l’adresse de votre domicile et celle de votre lieu de travail. C’est déjà largement suffisant pour vous identifier.
Si vos données de santé sont hébergées en France chez un Hébergeur Agréé de Données de Santé, vous êtes nettement mieux protégés.
J’y veille personnellement.
Paul Mandelbrojt
Médecin de l’hébergeur Claranet e-Santé