Le Cloud change progressivement les usages des DSI dans les entreprises et les éditeurs de logiciels s’adaptant depuis des années aux nouvelles attentes qui émergent en écho chez les utilisateurs. Olivier Beaudet, directeur général de Claranet France, revient sur les principales caractéristiques de cette inflexion généralisée, et sur ses conséquences pour le métier d’infogéreur.
Que retenir des changements sur le marché de l’infogérance et de l’hébergement ces dernières années ?
Si l’on n’en retient qu’un, il faut bien reconnaître que le cloud public a été très disruptif, autant sur l’état du marché et la concurrence entre les offreurs, que sur la gouvernance des systèmes d’information au sein des entreprises. Les habitudes ont été largement remises en question et des opportunités majeures sont apparues. En effet, la dépendance aux choix d’infrastructure était historiquement très forte dans une optique d’investissements et d’innovation. Il y a quelques années encore, 90% de nos clients étaient tout simplement en surcapacité par rapport à leurs besoins réels… Tout le monde en convient, la grande promesse du cloud est là : apporter plus de souplesse et de liberté. C’est une inflexion majeure qui a des conséquences en cascade pour les entreprises et pour tous leurs prestataires.
Est-ce que cela change l’état d’esprit des entreprises vis-à-vis de leur stratégie d’externalisation ?
Oui. Deux « points de douleurs » les poussent notamment à avancer aujourd’hui, car ils sont difficiles à prendre efficacement en charge en interne : une gestion 24/7 cohérente, qui ne soit pas un pis-aller ; et une gestion de la complexité technique grandissante, en formant et en certifiant des compétences qui sont difficiles à fidéliser au sein de l’entreprise. Il y a également des préoccupations sur le sujet « compliance », par exemple pour les données de santé, qui demande des efforts considérables. Autrement dit, la complexité se déplace pour les DSI : si le cloud peut les soulager techniquement, ils doivent gérer de nouvelles problématiques en conséquence. Ils ne sont plus là pour s’embêter à « compter leurs serveurs » : ils ont suffisamment à faire pour adapter l’organisation de l’entreprise, ses processus, ses cycles… et pour s’assurer que les applications et les logiciels sont bien « cloud ready ».
Quelles sont les conséquences pour les éditeurs de logiciels ?
Il convient déjà de noter que sur une partie du sujet, les éditeurs ont exactement les mêmes problématiques que les DSI. Leurs ressources et leurs efforts doivent être consacrés à leur métier, le développement et le déploiement d’applications, pas à la gestion des rouages techniques.
Leurs clients poussent progressivement vers plus de simplicité avec le SaaS – la stratégie d’externalisation de l’éditeur est donc fondamentale pour se calquer sur celle de ses clients. Les rythmes sont bien sûr différents selon les secteurs et dans les faits on est souvent loin de la vision « puriste » du SaaS que peut avoir un acteur comme Salesforce par exemple. Les clients sont satisfaits quand ils ont du « clés en main » ; un modèle hébergé peut très bien leur convenir.
En conséquence, les éditeurs sont au milieu du gué, entre un effort de standardisation lié au SaaS, et des attentes encore très précises et variées de leurs clients. L’infogéreur est devenu clé pour consolider leur vision : il apporte une expertise complémentaire à celle des intégrateurs, qui ont dû de leur côté également revoir leur modèle. Cette proposition de valeur combinée sur le back-office (hébergeur) et sur le fonctionnel (intégrateur) est bien perçue chez les clients ; elle accompagne la montée en puissance des éditeurs sur le SaaS.
A quel rythme doit se faire cette montée en puissance ?
Les éditeurs sont pris entre des courants contraires. D’un côté, ils sont challengés par des start-up, pure-player du SaaS, qui ont entièrement intégré la logique de vente de services. Cela contribue à démocratiser des usages et des attentes chez les utilisateurs, dont certains éditeurs peinent encore parfois à s’emparer. De l’autre, ils sont pris par le rythme économique et leurs obligations vis-à-vis de leurs clients existants. Changer son modèle, ce n’est jamais un « Big Bang » : il faut savoir gérer sur la durée la complexité à la fois technique et organisationnelle d’une transition. L’attente est donc forte pour un accompagnement qui permette justement de dépasser les seuls enjeux technologiques, pour se mettre en ordre de marche afin de proposer du véritable « pay as you go ». Chez Claranet, la perception de ce besoin nous a fait adapter nos offres en conséquence. Il a fallu prévoir des accompagnements ad-hoc pour les éditeurs : leur offrir la possibilité de se concentrer sur un certain nombre de sujets, les plus proches de leur cœur de métier et leur fournir des garanties et des facilitateurs pour le reste, pour leur transition.
C’est-à-dire ?
Notre priorité est déjà de fournir des interlocuteurs experts, référents, sur des sujets aussi variés que les applications web, les applications SI, l’agrément de santé… le tout certifié/labellisé. Le niveau d’expertise demandé est aujourd’hui très élevé. Par exemple, nous sommes le seul hébergeur en France à avoir atteint un tel niveau de certification sur PCI-DSS. Proposer un accompagnement vraiment utile signifie répondre à chaque demande précise avec le meilleur interlocuteur sur le domaine.
Ensuite, le SaaS/Cloud implique une nouvelle vision de la gestion en 24/7. Ce n’est pas proposer une astreinte qui s’active uniquement en cas de problème, mais bien avoir à disposition en permanence de vrais ingénieurs, situés sur des sites en France, sans sous-traitance, et avec un suivi qualité systématique. Chez de nombreux acteurs, trop souvent, les moments critiques sont pris en charge par des opérateurs « pousse-bouton » qui n’ont pas toujours la bonne compréhension du problème.
Ces dispositions sont-elles suffisantes aujourd’hui ?
Pour que l’accompagnement fonctionne, les équipes de l’hébergeur-infogéreur doivent devenir une émanation des équipes internes du client, c’est-à-dire un Service Management extérieur performant, avec une transparence totale sur les risques, les maintenances, le futur… L’infogéreur doit être à même de fournir énormément d’informations, afin que le client ne soit jamais en demande. Cela va jusqu’au service de Gestionnaire Applicatif que nous menons pour certains de nos clients : pour eux, nous sommes aux postes avancés auprès de leurs développeurs, en chef d’orchestre, afin qu’ils puissent tirer le meilleur parti de nos expertises et de nos moyens dans leur travail quotidien.
Nous avons bien conscience d’être au centre d’une chaine de valeur complexe, qui implique aujourd’hui d’être en osmose avec ses clients et partenaires, jusque dans la gestion de crises. Cette intimité est fondamentale à installer, car pour le client final, il n’y a qu’une seule entité qui lui fournit son service : il veut se retrouver face à des interlocuteurs capables d’avoir des réponses harmonieuses et rapides, parce que dans le cadre d’une organisation « étendue », il y a nécessité d’ avoir de la fluidité dans la transmission de l’information sans aucun goulet d’étranglement.