Le fait que le numérique chamboule les enjeux professionnels n’est pas nouveau, mais deux analyses mettent en lumière dans l’actualité cette semaine, la capacité des acteurs à dépasser l’inertie de leurs environnements et de leurs organisations pour tirer parti des opportunités d’un monde chaque jour un peu plus « digital ».
Les banques en mode cloud malgré les autorités réglementaires…
Tout d’abord, dans un article paru sur le Journal du Net, le journaliste Xavier Biseul mène l’enquête auprès des banques sur leurs enjeux de passage au cloud. Deux impératifs pour les acteurs du secteur : s’adapter à des contraintes réglementaires grandissantes (alors qu’elles étaient déjà loin d’être neutres) tout en faisant face aux coups de boutoir des « fintech ». La promesse de ces start-up ? Des services agiles, réactifs, innovants, souvent à des prix record, qui tendent à court-circuiter une partie de la chaîne de valeur des banques. Cette concurrence n’est sans doute pas aussi frontale qu’on l’entend souvent dire, mais elle reste un enjeu majeur. Derrière cette lutte sur les marchés du service bancaire, on retrouve de fait une lutte technologique : « les systèmes d’information vieillissants, hérités du monde des mainframes » des banques, contre les approches SaaS et plus généralement « full Cloud » dès le démarrage, des fintech.
En l’état, d’après IDC, 25% des banques ont un cloud privé et 15% font appel au cloud public. Le mouvement est long. En cause, au-delà des enjeux culturels, de transformation organisationnelle et d’investissement, on trouve la prudence, certains diront conservatisme, des autorités règlementaires sur les sujets comme la « réversibilité, l’auditabilité, la sécurisation et la localisation des données ».
L’article note ainsi que l’Autorité de contrôle prudentiel de la Banque de France avait jeté un froid dès 2013 sur la question, en commentant le sujet de l’intégrité et de la confidentialité des données.
Des préoccupations qui ont fait l’objet d’une attention toute particulière des spécialistes et des prestataires : les exemples internationaux d’avancée du monde bancaire dans le Cloud n’ont cessé de se multiplier depuis, comme en témoigne la longue liste de cas mis en avant par le journal.
…et les DSI en mode digital malgré les CDO ?
Ce mouvement de fond n’est pas sans en rappeler un autre, qui concerne par extension toutes les entreprises cette fois. Les possibilités offertes par le cloud changent la donne jusqu’à la DSI, au cœur des organisations.
Alors qu’on lui demande de se rapprocher encore plus des métiers, d’être acteur à part entière de l’innovation, et de respecter des enjeux de time-to-market ou sinon d’être laissé sur le bord de la route, c’est bien souvent la légitimité des DSI qui est interrogé, dans leur capacité à s’adapter à la nouveauté.
Souvent, mais pas systématiquement, on voit alors entrer en jeu le Chief Digital Officer, qui se fait sa place dans l’entreprise sur les aspects les plus « sexy » du numérique et les mieux perçus des métiers, reléguant théoriquement le DSI à la gestion du quotidien, à la tâche ingrate de « faire tourner les machines ». Un problème vu l’omniprésence grandissante du cloud.
Mais cette dichotomie n’est-elle pas illusoire ? C’est l’avis de Clément Marche dans sa thèse professionnelle auprès de l’Institut supérieur d’Electronique de Paris (ISEP) : « Cloud Computing : une remise en question du rôle du SI dans l'entreprise ? ». On retrouve une brève synthèse de celle-ci sur LinkedIn sous le titre original « Les entreprises qui nient le Cloud sont des pandas géants », reprise en partie sur le site InfoDSI.
Au-delà de la vision de l’impact du Cloud sur les organisations, que l’on peut comparer aux points soulevés plus tôt par l’article sur le secteur bancaire, c’est la recommandation de création d’une Direction Informatique et Digitale (DID) pour remplacer la DSI qui attire l’attention.
Dans ce modèle, l’auteur souligne l’intérêt de fusionner le rôle vertical de la DSI historique avec les responsabilités métiers du CDO. Mieux, au-delà de la redéfinition des périmètres qui permettrait d’accompagner la montée en puissance cloud des entreprises de manière sans doute plus cohérente, le DID aurait l’occasion de s’imposer comme « leader charismatique » du changement, entrainant avec lui la transformation transversale de l’organisation.
Reste en suspens la question de l’origine de ce DID : est-il naturel qu’il vienne de la DSI historique, dont le métier était souvent loin de l’innovation ?
Pas de réponses claires à cette interrogation, et il y a fort à parier que les arbitrages devront plutôt se faire en fonction des individus, de leurs expériences et de leur caractère, que d’être imposés par principe en regardant l’organigramme. Reste que le DSI a sans doute de nombreuses qualités à faire valoir dans une période de consolidation comme celle que nous vivons : toutes les organisations ou presque sont convaincues de la nécessité d’innover mieux et plus vite, avec le soutien des technologies cloud.
L’enjeu n’est plus d’en parler, mais de traduire opérationnellement, de façon industrialisée une dynamique qui a trop souvent été cantonné au « one-shot » ou à l’opération de communication. Et s’il y a bien un sujet où la DSI peut se prévaloir de plus d’expériences que quiconque, c’est sur celui des enjeux de réalisation, de production et de fiabilisation de systèmes complexes.
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Projet « Daily Life of Darth Vader », Paul Kadysz. > En savoir plus