Serions-nous en train de glisser presque en silence vers une société qui valorise, non plus l’estime de soi, mais la mesure de soi ? A bien y regarder, la santé connectée pourrait accélérer ce mouvement. Car les montres bracelets, qui deviennent le compagnon presque indispensable de nos smartphones, permettent de mesurer en permanence l’évolution de notre poids ou de notre sommeil, le nombre de calories ingurgitées puis brûlées tous les jours.
Et ces mouchards de notre santé aiguisent l’appétit de l’industrie high-tech des géants de l’informatique et du médicament. « Les annonces liées à la santé connectée se sont bousculées cette semaine », observe Le Monde dans son édition du week-end.
Microsoft, Nintendo ou encore Google et Apple n’hésitent pas à s’éloigner de leur cœur de métier pour investir massivement dans ce nouveau marché. Selon les analystes, « les montres intelligentes représenteront 40 % des dispositifs portés au poignet d'ici à 2016 », détaille la journaliste, Audrey Fournier. Un demi-millard d'êtres humains surveilleront leur santé par le biais d'une application ou d'un dispositif connecté en 2015, pronostiquent les spécialistes.
Car le filon des « wearables » peut s’avérer encore plus rentable qu’il n’y paraît. Les données de santé pourraient se monnayer très cher, observe le quotidien. Et constituer une aubaine pour les compagnies d’assurance ou les banques qui se serviraient de nos carnets de santé connectés pour moduler leurs contrats ou le taux de leurs crédits.
Ce danger de la confidentialité et de la sécurité des données collectées est même l’un des principaux obstacles au développement de cette nouvelle technologie. « La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a d'ores et déjà émis des recommandations », écrit la journaliste. Au moment où l’Assurance maladie cède de plus en plus de terrain au secteur privé, difficile d’imaginer que les quelques digues législatives résisteront longtemps à cette vague technologique.
Philippe Berrebi