E-santé: les clés pour trouver son modèle économique

L’innovation appliquée à la santé représente un enjeu majeur et devrait franchir, à terme, une nouvelle étape avec l’adoption progressive des objets connectés. Des innovations désormais accompagnées par les géants du numérique qui ont fait leur incursion dans la santé (ex : Google, Apple, Microsoft ou Sony) comme le souligne Xerfi dans une étude parue en novembre 2014. Le marché de l’e-santé est estimé à 2,4 milliards d’euros (Source Xerfi Precepta), il devrait progresser de 4 à 7% par an d’ici à 2017.

«Le marché de l’e-santé reste émergent. Son développement passe par l’innovation en terme de modèle économique» indiquait Jean-Marie Dunand, directeur du développement santé/e-santé de Docapost, filiale du groupe La Poste, lors des Health Innovative Days organisés par Cap Digital.

FrenchWeb a pris le pouls des différentes approches et moyens de monétiser l’innovation e-santé.

Privilégier le BtoBtoC

Florence Ghrenassia, directrice de l’Office du transfert de technologie et des partenariats industriels de l’AP-HP ne croit pas au BtoC: « En France, le patient n’est pas prêt à payer pour sa santé, même si cela permet une amélioration de sa prise en charge » lance-t-elle.
« Pour une PME il est plus facile de faire du B to B (to C) en passant par un client déjà lui-même prestataire d’hôpitaux », considère Jean-Yves Amathieu, aujourd’hui consultant en marketing e-santé après 22 ans passé chez General Electric Healthcare. Ce que confirme Florence Ghrenassia: « quand on est une PME il faut effectivement viser un prestataire de santé, comme le fait SRETT ». Cette start-up commercialise depuis 2013 un boîtier de télé-suivi de l’apnée du sommeil à intégrer au dispositif de traitement des patients afin de suivre son comportement. Ses clients sont les prestataires de santé qui assurent la délivrance et le suivi logistique des appareils chez les particuliers, eux-même remboursés par l’Assurance Maladie.

«La majeure partie des sociétés que l’on finance font du B to B et surtout du B to B to C. Ce sont par exemple des entreprises qui vont cibler des DRH cherchant un service différenciant pour leur salariés sur le plan des assurances ou des mutuelles» confirme Valéry Huot, directeur général de la société de capital investissement Innovation Capital. «Le modèle du BtoBtoC est intéressant car il permet aussi de pouvoir éduquer le client (via les assureurs). De plus en plus, ce dernier change de métier et passe de la réparation d’un dommage à sa prévention, particulièrement dans ce domaine de l’e-santé», rappelle Philippe Caton, responsable des partenariats technologiques du groupe Covea (MAAF,GMF, MMA). Il souligne aussi le potentiel de prévention des risques lié à la santé connectée: «Grâce aux données, on va aller de plus en plus vers du prédictif et non plus seulement du financement de soins».

« Le modèle B to C est le moins implémentable au secteur de la santé selon nous », poursuit Valery Huot. Jean-Yves Amathieu est moins radical et rétorque qu’il existe toutefois un cas dans lequel le B to C est envisageable : le maintien à domicile des personnes âgées.

Bien connaître la chaîne de valeur…

«Quand une PME fait son business case, elle ne doit surtout pas confondre l’utilisateur et le client. Car sinon, souvent, en France, cela ne peut fonctionner», souligne Jean-Yves Amathieu. Le tout est de cerner qui sont les acteurs du secteur que l’on adresse et quelles sont leurs relations, leurs préoccupations respectives.

Dans le cas du produit T4P de SRETT par exemple, le bénéficiaire est le patient, via le prestataire de santé (client), le prescripteur est le médecin et l’Assurance Maladie est le payeur, puisque le traitement de l’apnée du sommeil – facteur de risque d’accident vasculaire cérébral – est pris en charge. Pour le prestataire, cette solution permet d’optimiser le suivi des patients: il réduit se coûts en évitant les visites inutiles, et gagne du temps dans le recueil et la transmission d’informations sur l’utilisation des dispositifs. Pour le patient, cela permet de faire de la prévention, et pour l’Assurance maladie, ce sont des frais d’hospitalisation potentiels en moins à rembourser.
Autre exemple: celui de la société Be Patient, qui commercialise en Saas une plate-forme d’e-santé baptisée H to H centrée sur le patient, qui permet de coordonner la prise en charge des maladies. La technologie est vendue aux hôpitaux, la facturation se fait par patient et par mois. 90% de son chiffre d’affaires provient de l’international.

… pour identifier le marché à adresser

Une bonne connaissance de la chaîne de valeur contribue à bien cibler les démarchages. Un hôpital public par exemple, ne délivre pas seulement des soins. Il peut aussi avoir des besoins dans ses deux autres domaines de compétences: la recherche clinique et l’enseignement. « La recherche clinique est un vrai marché, pourtant souvent oublié » souligne Florence Ghrenassia. Pour un laboratoire par exemple, le quantified self permet de recueillir des data, ce qui correspond à son obligation de suivi post AMM (autorisation de mise sur le marché d’un médicament).

Dernier conseil: «il faut être attentif à la scalabilité du modèle. Le marché national n’est pas toujours suffisant et il vaut mieux se demander dès le départ si la solution est commercialisable en Europe, dans le monde» prévient Valéry Huot.

Adeline Raynal
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