Les technologies ont toujours bouleversé le travail. Aujourd’hui, le numérique prolonge cette transformation qui pourrait, qui sait, aboutir à la disparition de l’entreprise. C’est autour de ce sujet que la FING organise son événement français Lift les 21 et 22 octobre à Marseille.
Les technologies numériques, on le sait, transforment le travail, son organisation, ses règles, ses rythmes, ses métiers… Mais bien au-delà, désormais, c’est le secteur de l’économie numérique qui bouleverse le monde du travail. Et sans doute, à terme, l’idée même d’entreprise. Les Uber et autres AirBnb, par exemple, donnent l’occasion à qui veut de trouver un complément de revenu en proposant ses biens ou ses services.
De très nombreux Américains ont d’ailleurs déjà une activité indépendante, même si la plupart ont pourtant aussi un travail salarié. En réalité, ces entreprises du numérique (ré)inventent une forme de travail qui se passe du salariat, de la protection sociale, de rémunérations à la hauteur… Prolongement du principe du Mechanical turk d’Amazon (sur Internet, des personnes du monde entier exécutent pour quelques cents des activités très basiques que les logiciels ne sont pas encore capables de faire), quel monde du travail laisse-t-elle présager ?
Un monde dans lequel des élites travaillent pour des salaires mirobolants — agrémentés d’avantages en nature qui font l’objet d’une compétition folle entre entreprises de la Silicon Valley — d’un côté, et de petites mains qui exécutent les autres tâches, de l’autre côté ? Par ailleurs, chacun d’entre nous fournit aujourd’hui, plus ou moins volontairement, une multitude de données aux Google, Facebook ou Amazon pour accéder à des services à valeur ajoutée. Pourraient-elles faire l’objet d’une rémunération ? La fourniture de ces informations constitue-t-elle aussi une nouvelle forme de travail ?
Vers une disparation de l’entreprise "as we know it" ?
Et qui sait, poussée dans ses derniers retranchements, cette évolution du secteur numérique - et de tous les autres secteurs, par rebond -, pourrait conduire à une disparition de l’entreprise telle qu’on la connaît. Cette structure unique, centralisée, dans laquelle des employés identifiés travaillent à l’exécution de processus prédéfinis pourrait être remplacée par une organisation complètement modulaire. Comme un puzzle géant avec au cœur, un noyau de décideurs et peut-être de chercheurs ou de designers, qui feraient uniquement appel aux communautés ou à des indépendants "mechanical turks". Les pièces du puzzle.
Toutes ces questions - et bien d’autres encore, comme la mesure du travail ou les nouveaux métiers - ont conduit la Fing à consacrer l’édition 2014 de sa manifestation les 21 et 22 octobre à Marseille à la transformation du travail. Comme à son habitude, l’événement sera l’occasion de sessions de travail collectives mais aussi de témoignages d’experts, d’observateurs, d’acteurs de cette transformation comme les membres de la Fing qui étudient entre autres depuis début 2013 la façon de "repenser le travail dans une économie digitale".
On pourra aussi y écouter Antonio Casilli, sociologue maître de conférences en digital humanities à Telecom Paristech et auteur des "liaisons numériques"; Henry Stewart, patron fondateur de l’entreprise de formation informatique britannique Happy fondée sur le bonheur de ses employés; Ben Waber, chercheur fondateur de Sociometric Solutions qui analyse les dynamiques des organisations à l’aide des capteurs physiques et de logiciels ou encore Stefana Broadbent, anthropologue numérique spécialiste de l’intelligence collective, qui réfléchit à la façon dont numérique et réseaux sociaux réunifient les trajectoires professionnelles.
Ces échanges devraient, sinon répondre à toutes les questions sur la transformation du travail à l’heure digitale, mais du moins éclairer celles-ci.
Emmanuelle Delsol
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