Tarification, gestion des stocks, recommandation de produits, A/B testing... Algorithmes et machine learning revisitent le secteur de la distribution sous toutes ses coutures.
Retour sur le bilan du Retail's Big Show, convention géante qui à eu lieu en début d'année à New York. La grande question est toujours la même : quelle était la grande tendance de cette année ? La data, sur toutes les lèvres en 2016, est toujours là en force. Comme le note Laurent Letourmy, cofondateur d'Ysance, "les retailers nous disent qu'ils n'arriveront pas à traiter toutes leurs données et qu'ils ont besoin de solutions comme la nôtre." Selon l'avis général, cependant, 2017 serait l'année de l'intelligence artificielle (IA). Et effectivement, on en rencontre un peu partout.
Par exemple chez Sentient Technologies, qui revisite entièrement la pratique de l'A/B testing en s'inspirant de la théorie de l'évolution. "Pour une page web donnée, nous pouvons tester simultanément une quarantaine de variables : texte, couleur, ordre des éléments, html, javascript, etc., explique son directeur marketing Jonathan Epstein. L'IA ne teste pas la totalité des combinaisons. A chaque 'génération' de designs testés, elle prend les combinaisons les plus performantes en taux de transformation pour créer la génération d'après." 500 tests suffisent pour trouver la meilleure combinaison parmi 1 million de designs possibles.
On trouve aussi de l'intelligence artificielle dans Mode.ai, un bot de recommandation visuelle de produits actif sur Messenger et incorporable en marque grise chez les e-commerçants. L'utilisateur lance une recherche, le bot renvoie des options. "Plusieurs possibilités permettent alors d'affiner les suggestions : de nombreux filtres, mais aussi un bouton 'davantage comme cet article' qui incite l'IA à proposer des produits proches, comme le ferait Pandora à partir d'un morceau de musique, explique la PDG Karen Ouk.
La tarification dynamique fait également partie des domaines d'application de l'intelligence artificielle. Typiquement, les retailers appliquent un modèle de promotions par paliers : -20%, -30%, -40%... Sauf qu'avec une ristourne à -20%, ils manquent peut-être une vente auprès d'un consommateur qui achèterait à -23%. La vocation de Point 93 est de rendre cette conversation bilatérale. "Marissa voudrait n'acheter que 100 dollars tel maillot de bain vendu 120 dollars pour ses vacances dans deux semaines, explique Samantha Zirkin, PDG de la société. Notre solution lui permet, après avoir scanné l'étiquette en magasin, d'indiquer via l'app de l'enseigne combien elle est prête à payer et pendant combien de temps. Notre algorithme prend le relais, brasse beaucoup de données et lui répond 'ok pour 100 dollars tout de suite', 'ce sera sans doute possible dans ce laps de temps, nous reviendrons vers vous', ou 'nous vous le proposons à tant'." Si Marissa garantit qu'elle ne retournera pas le produit, l'enseigne peut également le valoriser. Enfin, Point 93 sait agréger toutes ces données clients pour apporter aux retailers un retour très riche sur leurs produits et leur élasticité prix. "Les promotions sont aveugles, nous leur rendons la vue", résume Samantha Zirkin.
De nouvelles préoccupations
De multiples autres solutions utilisent également de l'intelligence artificielle et du machine learning, dans des domaines très variés. Est-ce pour autant une lame de fond ? Sûrement plus que le commerce en réalité virtuelle qui, malgré les démonstrations qui émaillent les stands, peine à quitter son statut de gadget. Cependant, si l'on arrête de chercher à tout prix la technologie qui apportera la prochaine révolution du retail, on voit apparaître des approches et des préoccupations relativement nouvelles, toutes aussi significatives, de cette édition 2017.
"Cette année, le NRF Big Show est très orienté sur les vendeurs en magasin", estime par exemple Benjamin Zenou de SimpliField, qui débriefe avec les autres entrepreneurs du stand de la French Tech. En effet, on remarque davantage de solutions d'e-learning pour former les vendeurs (comme Callidus Cloud), de solutions de gestion des emplois du temps des vendeurs (comme StaffHub), de devices plus adaptés à leurs contraintes (comme les terminaux-bracelets pilotables par la voix de Zebra Technologies), ou encore d'applications de clienteling leur permettant d'utiliser sur le terrain la connaissance client de leur enseigne, et qui s'étendent désormais au-delà des solutions spécialisées comme Tulip Retail pour arriver chez des Salesforce ou Cegid. Deux start-up françaises présentes à New York sont d'ailleurs en train d'élargir leur positionnement d'origine pour s'intéresser à ces problématiques : SoCloz et Devatics, qui l'une comme l'autre produisent aujourd'hui des logiciels pour les tablettes vendeurs.
La gestion des stocks, enjeu central
Romulus Grigoras, PDG de Devatics justement, identifie aussi une autre préoccupation croissante des enseignes de distribution : l'optimisation de la gestion du stock. "Avec l'essor du ship-from-store et du click&collect express, se développent des problématiques de picking en magasin, d'organisation du stock dans l'arrière-boutique et de répartition des commandes entre l'entrepôt central et les magasins", constate-t-il. Raison pour laquelle Devatics a lancé la solution OneStock, qui sait en particulier calculer s'il est plus intéressant pour l'enseigne de livrer un acheteur à partir de l'entrepôt central ou depuis l'un des magasins. L'outil, qui permet de visualiser et d'améliorer l'efficacité de la politique en place, apporte aussi un gain important dans les situations de rupture de stock, qui concernent facilement 20 à 30% des références en fin de saison.
L'américain 4R Systems œuvre sur une problématique très connexe : la répartition du stock dans le réseau de distribution, que la société optimise moins pour accroître les ventes que le profit de l'enseigne, en tenant donc aussi compte des coûts de transport du stock. "Les données qui alimentent notre algorithme sont bien sûr les ventes et les prix, mais aussi les campagnes marketing, qui nous aident à mieux prévoir la demande", souligne le directeur commercial Europe Yassar Haneef. Voir comment les produits s'écoulent permet à 4R d'anticiper la répartition optimale des stocks, mais aussi de conseiller les enseignes sur la quantité de produits à déployer et le meilleur rythme de renouvellement. La prévision de la demande en magasin apparaît d'ailleurs comme l'un des segments qui montent cette année à la NRF. Alloy tracke par exemple les ventes et les stocks des magasins pour comprendre l'évolution de la demande, la remonter aux fournisseurs et distributeurs, et alerter à l'avance les éventuelles ruptures de stock à venir.
Sur le village Microsoft enfin, Powershelf se consacre aux rayonnages en plaçant sur les étagères des capteurs qui pèsent les articles et signalent les rangées vides. Son tableau de bord permet de visualiser les références à faire venir de la réserve, depuis combien de temps elles manquent en rayon, les ventes perdues (calculées par rapport aux ventes moyennes lorsque le produit est disponible), le risque total sur la journée... Et agrège ces données par magasin, par période de temps ou encore par marque, ce qui permet aussi de faire apparaître des problèmes d'approvisionnement fournisseur.
Bien sûr, optimiser la gestion du stock et sa présentation en boutique sert à proposer l'expérience client la meilleure possible. Mais alors que les salons français dédiés au commerce connecté tendent à beaucoup se focaliser sur les clients, notamment en mettant en avant de nombreux prestataires marketing, ce NRF Big Show 2017 témoigne d'un intérêt marqué des enseignes américaines pour le produit et pour les vendeurs : les deux assets (et postes de coûts) principaux des magasins, avec l'immobilier. Le retail se digitalise absolument sur toutes ses facettes… à grands renforts d'algorithmes et d'intelligence artificielle !
D'après un article de Flore Fauconnier, Source : Le Journal du Net